Catholicisme et sentimentalité - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Catholicisme et sentimentalité

Traduit par Antonia

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La culture ambiante influe sur le catholicisme de diverses manières. Pour prendre un triste exemple, dans le climat émotionnel des Etats-Unis, les gens réagissent davantage en fonction de leurs affects que de la raison ou de la pensée. Comme il est courant dans une église catholique américaine, si le prêtre commence la messe par toutes sortes de mots d’accueil aimables avant de dire « Le Seigneur soit avec vous », il minimise la portée des paroles de la liturgie. La profondeur spirituelle de cette salutation transcende totalement celle des souhaits d’usage tels que « Bienvenue. Je vous remercie de votre présence », ou « Bonne Année ». Et le prêtre n’aide pas les fidèles à saisir le sens miraculeux de ces paroles : être dans le Christ. Au contraire, il commence par des paroles sentimentales dépourvues de profondeur spirituelle.

La profondeur ne peut provenir que du savoir que nous donne la révélation divine. Dans sa salutation, le prêtre prie pour que l’Esprit de Dieu agisse de manière dynamique dans la communauté de fidèles rassemblés en ce moment précis pour participer au culte. C’est stupéfiant et totalement distinct de l’ensemble des codes de comportement habituels. Dieu agit hic et nunc dans cette église donnée pour racheter son peuple et poursuivre sa transformation du monde.

Le sentimentalisme pousse souvent certains catholiques à voter pour un parti professant des politiques anticatholiques et inhumaines. Question de sensibilité, d’habitude, de commodité ou d’identification superficielle avec un candidat. Pour corriger le déséquilibre entre la raison et les émotions il faut s’efforcer consciemment de replacer les décisions politiques dans le cadre de la théologie morale catholique : des concepts réels incarnant des vérités réelles.

Certains d’entre nous peuvent préférer qu’on flatte leurs émotions plutôt que d’avoir à se hisser à un niveau plus élevé d’humanité et à se servir de la raison pour analyser les questions sérieuses. Mais chacun d’entre nous a été doté d’une âme lui donnant la force de vivre une vie authentique. Les prédications et l’enseignement doivent mettre cette vérité en évidence.
La prudence est l’une des principales marques d’authenticité. C’est une vertu qui n’est pas réservée au 1 pour cent d’entre nous qui souhaitent devenir des saints. Elle est destinée à tous ceux qui veulent agir d’une manière authentiquement humaine. The Catholic Encyclopedia définit ainsi la prudence : « une habitude intellectuelle qui nous permet de distinguer dans toute circonstance des affaires humaines le comportement vertueux de celui qui ne l’est pas, et comment parvenir à l’un et éviter l’autre. Il faut observer que, bien que possédant une sorte d’empire sur toutes les vertus morales, la prudence elle-même vise à parfaire non pas la volonté mais l’intellect dans ses décisions pratiques ».

La prudence nous incite à nous dépenser pour recueillir des informations et établir une analyse de la bonne décision à prendre dans une situation donnée ainsi que des moyens d’y parvenir. Ce qui implique de l’humilité et, franchement, un gros effort intellectuel. De l’humilité parce que bien souvent nous ignorons ce que nous devrions savoir et un gros effort parce que nous devons nous appliquer pour y parvenir. La prudence permet d’avoir un comportement vraiment humain, ce à quoi nous aspirons aussi bien lorsque nous participons à la liturgie que dans la vie quotidienne.

Le pape émérite Benoît XVI a dit, quand il n’était encore qu’un humble professeur : « l’homme ne peut être lui-même s’il s’abandonne simplement à son inclination naturelle. Pour devenir vraiment un homme, il doit s’opposer à cette inclination ; il doit faire volte-face ; même ses fluides naturels ne s’inversent pas de leur propre accord ». Cette nouvelle profondeur de l’être humain se développe quand Dieu nous fait don de notre véritable moi.

Le sentimentalisme freine la capacité du clergé d’agir. Entendre dire : « Nous aimons le père X. » est très agréable, mais ce prêtre nous aide-t-il à devenir de meilleurs chrétiens ? Ou bien nous laisse-t-il tels que nous sommes sans nous bousculer et nous remettre en question ? Dois-je aller lui demander d’agir comme un prêtre ? La longue histoire de la professionnalisation de la prêtrise a supprimé les interactions avec le prêtre pour la plupart des fidèles. Et pourtant le prêtre est de toute la communauté le chrétien qui a reçu la meilleure formation et la plus coûteuse.

La mission du clergé est d’amener les fidèles à approfondir leur foi. Au contraire, le sentimentalisme permet aux prêtres de trouver leur bonheur en disant la messe, au lieu d’être disponibles là où les fidèles peuvent dialoguer avec eux plusieurs heures par jour pour apprendre à mieux suivre le Christ.
Une dernière remarque à propos de la liturgie : y participer suppose une réaction intellectuelle. Les émotions que suscite la liturgie peuvent être bonnes à leur manière. Mais nous devons d’abord savoir comment nous nous intégrons dans la grande histoire du salut. Nous devons savoir que c’est Jésus Christ, le Verbe, qui parle dans les lectures et le sermon et qu’Il est présent sous les apparences du pain et du vin. Et savoir, quand nous rentrons chez nous, que nous avons participé à la sanctification du monde.

Nos émotions devraient trouver une place dans la liturgie, mais elles sont encore mieux placées quand elles s’associent à la perception du miracle intellectuel de ce qu’accomplit l’Esprit de Dieu. La liturgie est un ensemble d’actions très simples qui ont de vastes répercussions intellectuelles. Mais nous ne le comprendrons que si nous approchons avec tout notre être (corps, esprit et âme) de la sainte table.

Dimanche 12 février 2017

Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/02/12/sentimental-catholicism/


Photographie La Prudence par Piero del Pollaiolo, vers 1470 [Galerie des Offices, Florence]

Bevil Bramwell, OMI, docteur ès lettres, est l’ancien doyen des étudiants du premier cycle de la Catholic Distance University. Ses ouvrages sont les suivants : Laity : Beautiful, Good and True ; The World of the Sacraments et, plus récemment, Catholics read the Scriptures ; Commentary on Benedict XVI,s Verbum Domini.