C’est Dieu ou le Goulag - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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C’est Dieu ou le Goulag

Traduit par Yves Avril

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« Il y a plus de choses qui nous unissent que de choses qui nous divisent. Avançons donc pour trouver une terrain commun. Il n’y a ni États rouges ni États bleus, seulement les États-Unis » Telle est la forme de syncrétisme à la saccharine qui de nos jours passe bien souvent pour un sobre commentaire politique. De telles expressions larmoyantes, brouillonnes recouvrent les failles morales qui, peut-être de façon irréparable, divisent profondément notre pays.

Une nation court à la ruine quand elle célèbre la diversité tout en niant – explicitement ou implicitement – les vérités stables qui, au moins jadis, ont uni la nation. Ce n’est pas pour rien que Lincoln, dans un passage célèbre, reprend la sagesse de Marc 3 :25 qui dit qu’une maison divisée contre elle-même ne peut durer.

Alors que l’administration Trump commence à prendre forme, elle le fait face à un horizon de profonde division de la nation. Le principal élément de cette division est, bien sûr, théologique. Les Américains aujourd’hui se trouvent en vif désaccord quant à l’existence – pour ne rien dire de la nature – de Dieu.
Cet état de division se fait jour dans ces controverses corrosives que l’on qualifie à tort de questions sociales quand, en fait, il s’agit de sujets fondamentalement théologiques et moraux : début et fin de vie, nature du mariage, contenu et du caractère de l’éducation publique (et catholique).
Au cœur de ces questions, les problèmes moraux sont des débats sur le Commandement d’Amour. Si vous voulez voir ce genre de débat, questionnez sur l’amour de Dieu un musulman bien informé et ensuite questionnez un catholique bien informé. Ils vont parler, semble-t-il, de « Dieux » très différents. Malgré les déclarations qui se veulent réconfortantes de Vatican II dans sa « Déclaration sur les relations de l’Église avec les religions non-chrétiennes » (Nostra Ætate) où chrétiens et musulmans travaillent « ensemble à préserver et promouvoir la paix, la liberté, la justice sociale et les valeurs morales », la réconciliation entre l’Islam et le christianisme est, c’est le moins qu’on puisse dire, improbable.

La pratique sans réserve du Commandement d’Amour (tel qu’on la trouve par exemple dans Matthieu 22 :34-40) n’a jamais été facile. Mais elle devient encore plus difficile dans une société qui considère le jugement éthique comme un droit auto-référentiel. Notre sens moral national – et parfois même, semble-t-il, le sens moral de l’Eglise – est gouverné par le « Magistère du Miroir », où on la conscience se forme en consultant ses souhaits personnels.
Le débat théologique sur le Commandement d’Amour rejoint le débat politique sur la réalité du Péché. On n’accorde plus beaucoup d’importance au Péché dans la société, mais sans lui nos institutions publiques ne sont pas pleinement en contact avec la réalité. « Qu’est-ce que le gouvernement lui-même » demandait Madison dans Federalist 51, «  sinon la plus importante de toutes les réflexions sur la nature humaine ? Si les hommes étaient des anges, il n’y aurait besoin d’aucun gouvernement. Si des anges devaient gouverner des hommes, il n’y aurait besoin d’aucun contrôle ni internel ni éternel sur le gouvernement. »

Les fondateurs, des gens bien éduqués de leur temps, avaient sans aucun doute lu Jérémie et Paul. Ils n’ignoraient sans doute pas, comme nous avons tendance à le faire, la sagesse humaine que contiennent les avertissements de Jérémie « Maudit est l’homme qui met sa confiance dans l’homme et fait chair son bras, dont le cœur se détourne du Seigneur » (17 :5) Ou les mots de Paul : « Les œuvres de la chair sont évidentes : immoralité, impureté, débauche, idolâtrie, sorcellerie. » (Gal 5 : 19-20) De ces avertissements bibliques et historiques sont nées les structures que nous appelons Séparation des Pouvoirs, qui visent sagement à empêcher la consolidation de la force politique au sein de et par tout organisme de gouvernement.

Le grand historien catholique Lord Acton (1834-1902) a fait cette mise en garde devenue célèbre : « Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument. Les grands hommes sont presque toujours des hommes mauvais. » Des politiques peuvent bien tenter, à plusieurs reprises, de nous convaincre du contraire, un rapide regard sur les dernières nouvelles nous confirme cette vérité.

Dans tant de domaines aujourd’hui, la véritable notion de la sagesse est rejetée dans le passé en même temps que des notions comme le caractère et la vertu. Une des vertus cardinales est la prudence. Qu’on perde cette vertu – elle a disparu de l’action depuis quelque temps déjà – et on perd le véritable sens qui dit qu’un bon ordre social est toujours fondé sur une compréhension réfléchie et générale de la nature humaine et de la folie et des dangers de faire trop confiance à la nature humaine.

Le premier acte politique a été le désir d’être « comme Dieu » (Gn 3 :5). Le fait du Péché a bafoué le Commandement d’Amour : « L’ignorance du fait que l’homme a une nature blessée inclinée au mal provoque de sérieuses erreurs dans les domaines de l’éducation, de la politique, de l’action sociale et de la morale. » (Catéchisme de l’Église catholique). Si, au nom de la diversité, nous jetons par-dessus bord cette dure vérité sur notre nature, nous allons au-devant de la catastrophe de l’État Leviathan qui promet le ciel et procure l’enfer.

« Il ne reste que Dieu pour protéger l’Homme de l’Homme » observait Étienne Gilson. » Ou nous Le servons en esprit et vérité ou nous ne cessons de nous rendre esclaves, de plus en plus, de l’idole monstrueuse que nous avons fabriquée de nos propres mains à notre propre image et ressemblance. »
Nier ou mal interpréter le Commandement d’Amour ; ignorer la dure vérité du Fait du Péché – et vous bâtissez non une Utopie humaniste, mais le Goulag.

4 février 2017

https://www.thecatholicthing.org/2017/02/04/its-god-or-the-gulag/

Tableau : Le supplice par les moustiques, par Nikolai Getman, c. 1970 [ Musée sur le communisme – M. Getman était un survivant de goulags]