Bon Samedi saint - France Catholique
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Bon Samedi saint

Traduit par Bruno

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Il est probablement juste de dire que si on demandait à de nombreux chrétiens pourquoi le vendredi Saint doit être appelé saint, ils pourraient avoir du mal à fournir une explication. Une exégèse édifiante abonde, bien sûr, et nous savons que l’histoire ne s’arrête pas avec la crucifixion. Mais l’agonie indicible, la terreur et la désolation de ce jour semblent aussi loin de la sainteté que possible. Un vendredi horrifique peut sembler une définition plus appropriée. Ou un vendredi insensé pour certains. Une pierre d’achoppement pour d’autres.

La descente du Christ aux enfers le Samedi Saint est peut-être la partie la moins comprise, ou la moins contemplée, du Credo. Bien que cela ait été un sujet de débat théologique, je soupçonne que cet évènement forme une sorte de vide dans beaucoup d’esprits. Que se passa-t-il au juste ce jour-là ? L’office des lectures pour le Samedi Saint contient une ancienne et émouvante homélie qui jette un peu de lumière sur la question. Elle n’est pas longue et mérite d’être lue dans son intégralité.

L’auteur, inconnu, écrit que durant ce jour silencieux et immobile, le Christ « est allé à la recherche de notre premier parent, comme pour une brebis perdue. Désirant fortement visiter ceux qui vivent dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort, Il est allé délivrer de la tristesse les captifs Adam et Eve, Lui qui est à la fois Dieu et fils d’Eve ».

Écrit il y a environ 1600 ans, cette homélie propose plusieurs parallèles avec le Jardin d’Eden comme une manière de représenter le Christ comme le Nouvel Adam, qui restaure ce qui avait été perdu. Certains de ces parallèles peuvent sembler évidents et familiers, mais d’autres le sont moins. Ceux qui sont familiers incluent le fait que Gethsémani, comme Eden, était un jardin, et qu’un arbre figure en bonne place à la chute et à la rédemption. L’auteur, par exemple, fait proclamer au Christ s’adressant à Adam, aux morts et enterrés: «Voyez mes mains, fermement clouées à un arbre, pour vous qui tendirent diaboliquement la main à un arbre. »

Moins familière, peut-être, est l’épée. Ici, l’auteur fait divulguer au Christ : « L’épée qui m’a percé a engendré l’épée qui a été tournée contre vous ». (Dans la même veine, l’auteur fait déclarer à notre Guérisseur blessé : « Sur mon dos voyez les marques de la flagellation que j’ai endurée pour retirer le fardeau du péché qui pèse sur votre dos.»)

Après la chute, ce fut une épée incandescente et tournoyante ainsi que les chérubins qui empêchèrent Adam et Eve de revenir dans le jardin – qui a gardé l’humanité éloignée de Dieu. Et qu’est-ce que le Christ dit à Pierre de faire après avoir coupé l’oreille du serviteur du grand prêtre : remets l’épée au fourreau. Ce n’est pas simplement une exhortation à la non-violence, mais un symbole de réconciliation; l’obstacle à la réunification avec Dieu est retiré.
Du côté d’Adam endormi est sortie Eve; du côté transpercé du nouvel Adam (alors qu’Il « dormait » sur la croix) sortent le sang et l’eau – les sacrements de l’Eucharistie et du Baptême qui constituent l’Eglise, ainsi identifiée avec Marie, la nouvelle Eve et mère de l’Eglise.

Supposant que l’auteur ait correctement saisi l’essentiel, imaginons Adam entendre ce qui suit en ce Samedi décisif :

« Je suis votre Dieu, qui pour votre salut est devenu votre fils. Par amour pour vous et pour vos descendants, je demande maintenant par ma propre autorité à tous ceux qui sont détenus dans la servitude de sortir, à tous ceux qui sont dans les ténèbres d’être éclairés, à tous ceux qui dorment de se lever. Je t’ordonne, ô toi qui dors, de te réveiller. Je ne t’ai pas créé pour être retenu prisonnier dans l’enfer. Ressuscite des morts, car Je suis la vie arrachée à la mort. Lève-toi, œuvre de mes mains, toi qui a été créé à mon image. Levez-vous, laissons cet endroit, car vous êtes en Moi et Moi en vous; ensemble, nous formons une seule personne et nous ne pouvons pas être séparés…

Moi, Le Seigneur, j’ai pris la forme d’un esclave; Moi, dont la maison est au-dessus des cieux, je descendis sur la terre et sous la terre… Levons nous, laissons cet endroit. L’ennemi vous a amené hors du paradis terrestre. Je ne vais pas vous rendre à ce paradis, mais je vais vous couronner dans le ciel. »
Cela sonne assez bien.

Joseph Ratzinger livre également un joyau d’interprétation sur cette curieuse croyance observée aujourd’hui sur – la descente du Christ aux enfers. Dans son livre « Introduction au Christianisme », il met en place avec cette observation : « En vérité – une chose est certaine: il existe une nuit dans laquelle aucune voix n’atteint la solitude; il est une porte par laquelle nous ne pouvons que marcher seuls – la porte de la mort. En dernière analyse, toute la peur dans le monde est la peur de cette solitude ».

Ratzinger nous rapporte que l’Ancien Testament utilise un seul terme, interchangeable, pour mort et enfer, Sheol – le séjour des morts: «La mort est la solitude absolue. Mais la solitude que l’amour ne peut plus atteindre est l’enfer ». La perspective terrifiante de l’enfer – rejetant l’amour et l’offre de rachat généreuse de Dieu – peut, à cet égard, être comprise comme « un enfermement délibéré sur soi ». C’est d’ailleurs le sens emphatique de la formule « l’enfer c’est les autres ».

Ce que le Christ a fait le Samedi Saint, selon Ratzinger, c’était de franchir à grandes enjambées « la porte de notre solitude finale. . .dans Sa passion, il descendit dans l’abîme de notre abandon. Là où plus aucune voix ne peut nous atteindre, Il est là. L’enfer est ainsi surmonté, ou, pour être plus précis, la mort, qui a été précédemment l’enfer, n’est plus l’enfer. »
Joyeuses Pâques !

Illustration : « Le Christ aux limbes» par Benvenuto di Giovanni, 1491 [National Gallery of Art, Washington, DC]

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/04/04/good-holy-saturday/