Permettez que je sème le trouble chez mes aimables lecteurs en jetant le blâme, à propos des événements de la semaine à Ferguson, Missouri, sur l’Église catholique.
Ce même lecteur devrait mémoriser sa réaction à cette bizarre entrée en matière, et à ce que l’auteur voulait dire. (On — pas moi — pourra plus tard faire un sondage là-dessus.)
Un rappel historique: de la petite histoire locale. Étant Canadien, je suis peut-être plus que la plupart des Américains conscient que la ville de Saint-Louis et son comté [département], dont Ferguson fait partie, appartenait jadis à la France. Après tout, elle porte le nom de Louis IX, le saint roi capétien du XIIIème siècle.
Ce n’est pas de l’Histoire ancienne, relativement récente au point de vue Judéo-Chrétien. La région ne fut explorée par des chrétiens, Marquette et Jolliet, que vers la fin du XVIIe siècle, plus d’un siècle avant Lewis et Clark.
Cavelier de la Salle l’annexa à la Louisiane en 1678. Elle pourrait tout aussi bien être maintenant Canadienne si les choses avaient tourné différemment.
C’est ainsi que la ville et sa région sont tombées dans l’escarcelle des USA protestants. La basilique-cathédrale de Saint-Louis fut fondée après l’achat [à Napoléon] de la Louisiane. Son diocèse était alors fort étendu. Les routes tracées par les pionniers catholiques passaient pour la plupart par cette Rome de l’Ouest.
Je cite ces événements parce que j’ai constaté que les catholiques nord-américains ont largement oublié, ou même renié, leur histoire. Mes interlocuteurs semblent remarquablement inconscients de l’héritage colonial de la France et de l’Espagne: ils ont pris pour argent comptant la légende du passé protestant remontant à l’époque de la vague d’immigration d’Irlandais.
Un exemple: l’autre jour un catholique citait Harvard comme la plus ancienne Université d’Amérique. Erreur: un siècle avant sa fondation (en 1650), l’Université royale et pontificale de Mexico était déjà active. En fait, avant de se démolir avec sa politique révolutionnaire, le Mexique était la super-puissance du Nouveau Monde, son solide peso était une devise acceptée dans le monde entier.
Vue sur un plus vaste horizon, l’Église catholique a dominé spirituellement l’hémisphère occidental pendant des siècles, et aurait pu continuer de nos jours. De mémoire d’homme, elle avait encore une position majeure au Sud du Rio Grande, tout comme au Canada français. Ses missionnaires et ses martyrs tombés en des contrées sauvages méritent d’être cités comme appartenant à une légende.
L’Église a survécu, s’est relevée de terribles persécutions (en particulier au Mexique). Elle a subi la poussée de générations de protestants, et la marée montante de l’athéisme (spécialement au Québec). Fidèle au Christ et à ses traditions séculaires, elle peut se répandre n’importe où et subir n’importe quoi — sauf le manque de foi. Dans toute l’Amérique latine, sous l’esprit de Vatican II, ou au Québec, sous la « Révolution silencieuse », un moment historique de flottement a ouvert la menace d’un effondrement.
Avec Dieu, tout est possible. Rien ne l’est sans Lui, La Foi est le terreau où l’Église s’est épanouie, terreau qui se dilue en boue quand disparaît la foi.
Mais j’aimerais élargir l’horizon. Grâce à la Foi l’Église se répand de nos jours en Afrique et en Asie, n’accordant aucune concession aux modes. Condition fondamentale à la vie de l’Église universelle.
En fait, dans la mesure où ils persévèrent dans la foi au Christ, nos frères protestants participent à la survie de la civilisation chrétienne, dans les cas où les biens matériels de l’Église ont été confisqués.
Et que Dieu les protège là où ils sont restés les seuls représentants du Christianisme.
Sur des videos prises à Ferguson, nous avons vu ce que devient notre monde quand la Foi s’en éloigne. Le « terre-à-terre » s’installe progressivement, révélant l’horreur de la nature humaine dégradée.
[la video prise à Ferguson (environ 8 minutes) proposée par « The Catholic Thing » montre parmi les scènes de pillage une jeune femme défendant courageusement son magasin contre les pillards. Par son comportement on peut reconnaître en elle notre sœur.]
Retour à mon propos initial — que je voulais développer pour me faire mieux comprendre: en quoi l’Église Catholique a-t-elle failli à Ferguson? Et dans 10 000 autres villes ?
Manquements de l’Église, naturellement, par défaillances humaines; c’est toujours la même cause. Partout où elle cède du terrain, c’est son échec. Et pourtant elle réussit brillament pour toutes les âmes conquises par le Corps Mystique du Christ Jésus.
L’Église, c’est nous — nous tous à travers le monde — il n’y a pas d’alternative. C’est par nous que le monde se convertit, par notre exemple, par nos agissements de chrétiens. C’est tout simple, vraiment: halte aux défaillances.
