Barytons disparus - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Barytons disparus

Traduit par Yves Avril

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Considérez les deux premières strophes de l’hymne suivant :

Soldats du Christ, debout,

Revêtez votre armure,

Forts de la force que Dieu vous fournit

Par Son Fils éternel

.

Forts du Seigneur des armées,

Et de Son grande puissance :

Qui se confie dans la force de Jésus

Est plus que conquérant.

.

Ou ce poème du milieu d’un autre hymne, quand l’âme est assaillie par ces esprits malins qui rôdent sur la terre, cherchant la ruine des âmes :

Chrétien, les entends-tu,

Comme ils te parlent juste ?

« Toujours rapide et vigilant ?

Toujours veille et prie ? »

Chrétien, réponds courageusement :

« Tout en respirant je prie ! »

La paix suivra le combat,

La nuit finira au jour.

.

Ou celui-ci, les vers qui terminent un troisième hymne, un appel au châtiment
et pour la force que nous ne pouvons jamais avoir sans cela.

Attache d’une longe vivante

Le prince et le prêtre et l’esclave,

Attache toutes nos vies ensemble,

Frappe-nous et sauve-nous tous :

Dans la colère et l’exultation, embrasé de foi, et libre,

Fais lever un peuple vivant,

Un unique glaive pour Toi.

Pensez à ces vers. Qu’ont-ils en commun ? Les premiers ont été écrits par le méthodiste Charles Wesley en 1749, et il est chanté pour une marche pleine de joie, Silver Street. Les seconds sont une traduction anglaise d’un texte grec attribué à saint André de Crète (660-732). La mélodie fut composée spécialement pour le texte, passant d’une tonalité en do mineur dans la première moitié de chaque strophe à un triomphant do majeur dans la seconde moitié, celle qui nous invite à triompher des tentateurs. Les derniers furent écrits par un catholique, G.K. Chesterton, en 1906, et fut accompagnée d’une mélodie musclée en ré mineur, King’s Lynn, par l’incomparable Ralph Vaughan Williams.

Un Grec, un protestant anglais et un catholique anglais, du VIIe, du XVIIIe, et du XXe siècles, et bien sûr nous pourrions fournir quantité d’autres semblables poésies tirées de l’hymnologie chrétienne, de tout âge et de tout pays et, depuis les jours de Luther, de toute confession.

Qu’est-ce qu’un moine grec peut avoir en commun avec le méthodiste itinérant, traversant l’Océan pour évangéliser ses cousins au nouveau Monde ? Qu’est-ce que le poète latin Venance Fortunat (Les Etendards du Roi s’avancent) a en commun avec Chesterton, ce journaliste carré qui combattait de l’esprit et de la plume ?

C’étaient tous des chrétiens écrivant sur l’Eglise militante de façon à faire bouger les cœurs d’autres chrétiens, à mettre en action, à endosser l’armure de Dieu, à combattre le bon combat, à suivre le Christ dans la bataille et la victoire.

Ils ont une autre chose en commun. On ne peut trouver aucun d’entre eux dans le Gather, Glory and Praise, ou dans les deux dernières éditions du Worship, les recueils les plus utilisés dans les églises catholiques des Etats-Unis.

On peut y trouver quantité de chansonnettes à la mode, des sérénades doucereuses sur Jésus, et des exhortations à être gentils avec nos amis à quatre pattes. Il y a un bonne quantité de galimatias (« the vault of heaven springs mute witness » [La voûte du ciel fait jaillir un muet témoignage]), des raccords (« loud boiling test tubes » [éprouvettes chauffant bruyamment]), de la grammaire très hésitante (« Thy strong word didst cleave the darkness » [Ta parole forte as percé les ténèbres]), des termes impropres (« A single unmatched stone the builders hurled aside » [Une seule pierre incomparable les bâtisseurs ont rejetée] ), de malheureuses rimes approximatives (« Lose your shyness, find your tongue, Tell the world what God has d-  »  [Perds ta timidité, trouve ta langue, Dis au monde ce que Dieu a fait]), échos de Sinatra (« Poet, painter, music maker » [Poète, peintre, compositeur]), faux sublime (« publicize his great name » [publiez son grand nom]), textes expurgés (« born to raise us from the earth » [né pour nous élever de terre]), christianisme de mirliton (« his breath makes music in our hearts and mouths » [son souffle fait de la musique dans nos cœurs et nos bouches]), et des vers qui ne sont sauvés de l’hérésie que par leur absence de sens (« the rain and the snow are the robes of his choice » [la pluie et la neige sont les vêtements de son choix]).

Qu’est-ce qui manque ici ? A part For All the Saints et, au plus, deux autres du même genre pour ce jour d’obligation, il n’y a aucun hymne, absolument aucun , qui réponde au désir de l’homme de se donner pleinement au combat pour le Christ.

Aucun hymne de l’ascèse ancienne, cet exercice spirituel et physique pour vous mettre en état de combattre. Rien qui suggère le danger, un monde qui est en balance. Rien pour les barytons.

Et, bien sûr, le mot « homme » comme si c’était un vocable gribouillé sur la paroi des toilettes d’un restaurant miteux, effacé.

Le livre de cantiques où j’ai recueilli les trois textes, l’Episcopal 1940, contient environ 45 à 50 hymnes de ce genre, sur un total de 600. , Le thème de l’église militante n’est en aucun cas le thème prédominant, mais les hymnes sont là, comme ce doit être leur place.

Pourquoi ont-ils été expulsés de nos chants catholiques ? Nous pouvons nous interroger là-dessus. Mais ce qui ne fait aucun doute en tout cas, c’est que nous sommes en manque terrible de barytons.

Les hymnes de ces exécrables livres de cantiques sont pour ainsi dire tous soprano, soprano en harmonie avec soprano, avec peut-être un peu fausset ici et là.

Ne nous trompons pas. Le combat nous concerne. Nous sommes assaillis de tous côtés par un monde qui dégénère vite en démence complète, où les plus ambitieux et les moins scrupuleux parmi nous attendent avec impatience le temps où la race sera mécanisée et l’homme aboli.

Nous avons besoin de prêtres, et en grand nombre, et vite. Nous avons besoin de pères, non de donneurs de spermes ou d’engendreurs d’enfants hors-mariage pour porno. Nous avons besoin de groupes de frères qui s’encourageront l’un l’autre comme l’acier aiguise l’acier. Nous avons besoin de rapides infusions de courage, cette vertu désuète sans laquelle aucune des autres vertus n’a de force. Nous avons besoin d’hommes vrais. Nous aurons beaucoup de mal à les obtenir en destinant l’humanité à l’oubli.

Ceux qui le nient soit vivent dans un monde imaginaire féministe, soit ne veulent pas réellement gagner – ou même engager – la bataille. Ils devraient avoir l’honnêteté de le dire.

Mercredi 28 janvier 2015

Source : Barytones Begone

Illustration : « Les Choristes » d’Edgar Degas, c. 1876

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Anthony Esolen est conférencier, traducteur et écrivain. Ses derniers livres sont Reflections on the Christian Life : How Our Story Is God’s Story [Réflexions sur la vie chrétienne : comment notre histoire est histoire de Dieu] et Ten Ways To Destroy the Imagination of Your Child [Dix moyens de détruire l’imagination de votre enfant]. Il enseigne au Providence College.