Avec crainte mais grande joie - France Catholique

Avec crainte mais grande joie

Avec crainte mais grande joie

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N’est-ce pas bizarre ce que ce père fait à son enfant? Il prend cet enfant qu’il berce et qu’il protège dans ces mains, puis le jette dans les airs, au-dessus de sa tête… le laisse retomber…et le rattrape. Puis il recommence… le laisse tomber… et le rattrape. N’est-ce pas étrange de faire ça? Apparemment non puisque l’enfant rit, et crie de bonheur. Il hurle au milieu de son envol et glousse de plaisir quand on le rattrape.

Il y a cette peur d’être dans les airs, sans appui, impuissant, et sans rien contrôler. Il y a cette peur d’être totalement dépendant de cet homme si grand. Mais, ensuite, il y a cette joie d’être rattrapé dans ses bras et d’être serré contre lui de nouveau. Tout ça en un seul mouvement, le lancer et le rattraper. La peur et la joie sont donc ainsi mêlées l’une à l’autre.

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Vite, elles quittèrent le tombeau, remplies à la fois de crainte et d’une grande joie, et elles coururent porter la nouvelle à ses disciples (Matthieu 28 :8). La description de ces femmes le jour de Pâques ressemble à la joie et la peur mêlées que cet enfant éprouve dans les bras de son père. Dans ces deux cas, la peur et la joie sont associées, l’une ne pouvant exister sans l’autre.

Bien sûr, la peur de ces femmes est la vénération que nous nous appelons peur du Seigneur. Elles viennent juste de croiser l’ange et de recevoir cette nouvelle, bien au-dessus de tout contrôle humain. Le Christ est ressuscité. Aucun intellect humain n’est capable de comprendre ça, aucun aspect humain ne peut « l’apprivoiser ». On leur apporte un formidable témoignage de ce qu’est la vérité fondamentale : Il est Dieu et nous ne sommes que des hommes. La petitesse de ces femmes, et la nôtre, est évidente.

Quand il apparaît en Christ ressuscité, Jésus nous enseigne toujours cette idée de dépassement de soi et d’altérité, qui suscitent en nous cette peur. On ne peut pas Le contrôler. Il est maître de la situation, resté quelques temps méconnaissable aux yeux de Marie-Madeleine, ainsi qu’aux disciples sur le chemin d’Emmaüs, et aux Apôtres dans la barque. Il choisit la manière dont Il se révèle. Il disparait soudainement à Emmaüs, et apparaît aussi soudainement devant les Apôtres. Le Seigneur réprimande Marie-Madeleine et Thomas, les deux personnes qui essayent de voir le Seigneur selon leurs propres conditions et non les siennes. Le Christ ressuscité ne sera pas « apprivoisé ». Il faut le craindre pour le recevoir.

Il n’y a que lorsque la peur est présente que la joie nait. La joie de Pâques n’est pas quelque chose que l’on crée. Elle provient de la seule Résurrection, quand nous laissons le contrôle au Christ ressuscité et que nous lui permettons de s’inviter à nos rassemblements et activités, comme par exemple, lorsqu’il est apparu sur la route des disciples, aux apôtres dans la chambre haute, et près de leur barque. Si nous voulons le voir dans nos propres conditions, et par conséquent sans avoir peur, alors ce n’est pas réellement lui que nous voulons mais une caricature.

La peur et la joie semblent toujours avoir été associées, ou au moins elles étaient censées l’être. La joie d’Adam dépend de sa vénération saine pour cette Seule interdiction et cet avertissement inquiétant: … de peur que vous en mourriez… Quand Eve et lui en comprennent le sens, (c’est-à-dire le sens que Dieu a donné à cet avertissement, et qu’ils ont changé en une réalité qu’ils désiraient), leur joie disparaît à cet instant précis. Ils se cachent même de Dieu.

Depuis ce jour, nous, enfants d’Adam, avons profondément souffert de cette inclination pour le péché, cette volonté de reprendre le contrôle de ce qui est entre les mains à Dieu. Nous sommes constamment à la recherche de la joie, cette joie conditionnée, et pourtant nous la perdons sans cesse. C’est le cœur même du péché, de préférer notre réalité à celle de Dieu, de rechercher nos propres joies.

Cela a toujours été le cas. Mais c’est également caractéristique de notre temps. Nous vivons dans une culture irrespectueuse et par conséquent, dénuée de joie. Nous n’avons plus cette peur du Seigneur et, par conséquent, cette gaieté authentique et réelle. On se contente d’une imitation bon marché du plaisir.

Ce problème de la peur de Dieu, que nous respections ou non cette peur, détermine notre vision du monde. En bref, la réalité nous est soit donnée et reçue, soit inventée et imposée. Par crainte du Seigneur, nous recevons la réalité dont il est l’Auteur. Nous nous confortons dans sa volonté. Cependant, de par notre irrespect, nous inventons notre propre réalité que nous imposons aux autres. Ces lignes de faille se situe dans le cœur de chaque être humain.
Bien que chaque cœur humain lutte face à ce respect, il y avait avant cet accord général sous-entendu d’une réalité qui n’est pas quelque à inventer mais qui nous est donné et que l’on reçoit. Maintenant, cependant, l’invention de la réalité n’est pas seulement possible, mais essentielle à notre société. Notre impiété et notre irrespect sont codifiés : il y a au coeur de la liberté, ce droit de définir son propre concept de l’existence, du sens, de l’univers et du mystère de la vie humaine. On ne peut pas tous être d’accord sur une réalité inventée, qui n’a pas de vérité objective. Elle doit être imposée.

En effet, ces failles, ce donné-reçu remplacé par l’inventé-imposé, ont une grande place dans la société. Elles sont présentes dans tous les débats : sexe, sexualité, mariage, loi, et même liturgie, que nous recevions la vérité donnée de celles-ci et trouvent en elle la joie, ou que la créions, l’inventions et obligions les autres à l’accepter et se rallier à notre idée. La technologie aggrave le problème. Nous avons l’impression d’être des maîtres du temps et de l’espace, et donc de croire que nous avons le pouvoir et l’autorité qui nous permettrait de définir l’existence, le sens, l’univers et la vie.

Avec crainte mais grande joie. Ces termes décrivent les premiers messagers de la Résurrection, les premiers témoins chrétiens. Cela devrait aussi décrire les chrétiens d’aujourd’hui. Le monde a désespérément besoin de témoins comme eux, ceux qui indiquent la joie dans l’au-delà de ce monde, les vérités éternelles. Nous devrions donc avoir peur, reconnaître notre petitesse, notre dépendance totale en l’Auteur de la vie et la réalité de Sa création.

Et précisément à cause de cette peur sainte, nous devrions aussi être heureux, et toujours nous réjouir de ce qu’Il a fait pour nous, ce qui nous rassemble en Son sein.

Dimanche 26 avril 2015


Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/04/26/fearful-yet-overjoyed/

A propos du Père Paul Scalia

Le Père Paul Scalia est un prêtre du diocèse d’Arlington en Virginie. Il est délégué de l’évêque au clergé.