Aujourd’hui dans l’histoire - France Catholique

Aujourd’hui dans l’histoire

Aujourd’hui dans l’histoire

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Nous sommes aujourd’hui le samedi 27 novembre 1915. Bon, en fait, nous sommes un vendredi, dans un autre siècle ; mais je vis dans le passé. Depuis que des menaces de la grande guerre ont commencé l’année dernière, j’essaye de me maintenir jour après jour au courant des évènements d’il y a un siècle. J’essaye de ne pas regarder l’avenir, pour trouver la saveur des informations de dernière minute de l’époque. Je lis les vieux journaux anglais.

Ainsi, mon attention est focalisée avec horreur sur deux fronts. A Gallipoli, des pluies abondantes se sont transformées en blizzards, et nous avons de nouveau perdu quelques centaines d’hommes face aux infidèles turcs. Dix mille autres souffrent des intempéries et d’engelures. Il devient évident, même pour les soldats du corps Anzac (Australie, Nouvelle zélande ) plus loin sur le terrain, que le gouvernement britannique a maintenant décidé leur retrait total ; mais qu’il ne sait pas comment y procéder.

« Winston » (Churchill, le ministre libéral dont c’était la brillante idée pour arriver à une victoire rapide) a quitté il y a quelques semaines le cabinet de « Squiffy » (H.H. Asquith, ainsi surnommé pour son affinité avec l’alcool et la douce compagnie des femmes). Il est retourné dans l’armée britannique toujours en France dans une foutue impasse. D’après ce que je peux voir, il est en disgrâce totale.

Autre chose : après une horrible saignée à Ctésiphon, nos gars (britanniques et de l’empire) se replient sur Kut al Amara. Notre 6° division (Poona) se fait malmener en Mésopotamie, par des Ottomans sous le commandement d’officiers allemands intelligents et sans pitié ; Ces troupes loyales d’indiens beaux et minces se font sacrifier imprudemment par ces idiots qui nous gouvernent.

Peut-être que le gentil lecteur devine mon embarras.

Nos alliés serbes sont écrasés par les Autrichiens et les Allemands ; les Bulgares ont frappé avec opportunisme sur leur arrière, et ils sont repoussés et coincés dans les montagnes d’Albanie. Mais il est arrivé bien pire à travers la Pologne et la Lituanie, où les allemands ont découvert le coin pourri des forces du Tsar, et celles du Kaiser sont maintenant entrées profondément en Russie.

Les Sous-marins allemands parcourent la Méditerranée, coulant nos vaisseaux comme des canards en boîtes.

Et les américains, où sont-ils ? De l’autre côté de l’océan, confortablement chez eux, et ils s’enrichissent dans le trafic d’armes. Ils nous vendent des équipements que nous ne pourrons peut-être jamais payer, mais dont nous avons trop désespérément besoin pour les refuser. Les années passent et notre dette envers eux monte en flèche. Bénis soient les canadiens et les australiens qui dès le début ont complètement participé. Parce que nous commençons à voir combien l’économie britannique est sur le fil.
Il faut suivre la situation jour après jour pour apprécier complètement l’effet que cela fait de regarder au fond d’un gouffre.

Malheureusement, j’en savais trop avant de commencer cette réflexion, et comme le dit Oscar Wilde, « je peux résister à n’importe quoi, sauf à la tentation ». Eh bien, rien que la semaine dernière, je me suis surpris en train de passer en revue les élections générales en Angleterre en 1918, qu’on a organisées juste après l’Armistice ; et il y a quelques mois, j’ai succombé à la tentation de lire un livre sur la conférence de paix de Paris qui a suivi. Tout ceci vous laisse pathétiquement surinformé.

Pourquoi est-ce que je fais cela ? Ce n’est pas pour le plaisir de jouer aux petits soldats, bien que j’aime me demander ce que j’aurais fait si j’avais eu les seules informations disponibles à l’époque. Je suis sûr que si n’en avais eu l’occasion, j’aurais fait un beau gâchis.

Mais en fait, j’essaie par ce moyen indirect de comprendre notre situation actuelle. Parce que de mon point de vue, comme de celui de beaucoup d’autres personnes, la Grande Guerre a été un désastre sur une échelle presque cosmique, au même titre que la Réforme, la guerre de trente ans, et la révolution française, dans l’histoire de l’écroulement de la « civilisation occidentale ».

Alors même qu’elle régentait le monde, l’Europe, au cours de siècles d’impérialisme, se digérait elle-même par une auto-immolation spirituelle. A mon avis, le point de départ de ce dernier siècle de « post-modernisme » date des «  Canons du mois d’Août »  – la nouvelle mentalité de masse et de démocratie qui a pénétré les esprits et est ressortie de cette première guerre mondiale.

Cela avait commencé bien avant, quand nous avons décidé que notre royaume était de ce monde.

Une de mes haines favorites concerne David Lloyd George, autrefois désigné comme un lion. – Avec Woodrow Wilson et Georges Clémenceau je les considère comme « les trois comparses de l’apocalypse ».-

Le « Sorcier Gallois » gagna les élections précipitées d’après-guerre (les premières où les femmes votèrent, et on avait également largement abaissé la franchise du suffrage parmi les non propriétaires et les classes ouvrières.) Il les gagna de façon écrasante, sauf en Irlande où le Sinn Fein emporta presque toutes les circonscriptions catholiques. Il fit une campagne hystérique, proclamant qu’il avait gagné la guerre, et promettant qu’on ferait payer les allemands. Ces allemands qui finalement avaient été vaincus de peu, étaient dans un état pire encore que les britanniques.

Chaque jour, il devenait plus chauvin. Le même chauvinisme qui avait commencé par précipiter l’Angleterre et tout le continent dans la guerre, à la suite de manifestations nationalistes monstres dans chaque capitale européenne.

Plutôt que de parler de réconciliation et de reconstruction, il continuait à régler des comptes ; et s’engageait dans une nouvelle politique paternaliste – une « paix totale » après une « guerre totale ». Nous continuons à vivre dans ce monde-là, « sécurisé pour la démocratie », et où la population est toujours plus infantilisée par l’absorption dans ce nouveau système d’  « Etat total », dans lequel on vote, mais avec de moins en moins de pouvoir sur sa propre vie.

Nous avons vaincu les prussiens, au prix de devenir nous-mêmes des prussiens.

Et pourtant, en regardant en arrière, tout cela paraît inévitable. Les messieurs qui autrefois gouvernaient l’état victorien minimaliste s’étaient montrés faibles. Maintenant, on les considérait avec mépris car….ce n’était pas eux qui avaient gagné la guerre. A mon avis, ils s’étaient montrés « trop corrects ».

Pendant les mois qui ont suivi cette victoire, avec le retour des soldats au pays, une nouvelle vision du conflit a commencé à se répandre dans le public. Celle d’une victoire à la Pyrrhus. Elle annonçait un nouveau cynisme qui apporterait sa propre contribution à l’esprit d’auto destruction.

Finalement, la leçon que j’en tire est que j’aurais été tout aussi perdu face aux évènements que je ne le suis aujourd’hui ; et j’aurais hurlé à la lune à l’époque, tout autant que je le fais maintenant devant la méchanceté et la stupidité des hommes.

La morale de ceci ? Ne faisons pas confiance aux hommes, car seul le Christ peut nous sauver.

27 novembre 2015

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/11/27/today-in-history/