Amitié et évangélisation - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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Amitié et évangélisation

Traducteur : Antonina

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Il est de plus en plus évident, en toute objectivité, que les derniers vestiges de ce qu’on appelait l’Occident chrétien sont en train de s’effondrer. La chute des taux de fécondité aux États-Unis ainsi que dans tous les pays européens autrefois fermement catholiques en est une preuve suffisante.

Leur place se trouve presque inévitablement prise par de prolifiques musulmans qui, à moins d’un changement radical des taux de fécondité, atteindront enfin les objectifs qu’ils n’ont pu réaliser à Malte, à Lépante ou aux portes de Vienne. Et comme nous le savons maintenant, étant donné le récent référendum irlandais sur la définition du mariage, seul peut-être le retour de saint Patrick en personne pourrait sauver l’Irlande de l’islamisation.

Et nous ne devrions pas attendre de compassion de la part des musulmans, vu les événements auxquels nous assistons avec une grande tristesse : la destruction des communautés chrétiennes implantées au Moyen-Orient. Des multitudes de familles sont chassées de leurs foyers ou martyrisées pour leur foi catholique, sans pratiquement aucune aide de la part du soi-disant «Occident chrétien ».

Que faire ? Telle est la question. Je juge peu probable que le pape François lance un appel à la croisade, à l’instar de plusieurs de ses prédécesseurs lors d’attaques menées contre des pays et des peuples chrétiens par des adeptes de l’islam, mais, qui sait, il pourrait me surprendre.

Non, si les débris du christianisme peuvent encore se relever et sauver l’Occident, ce sera grâce à la fécondité des laïcs chrétiens qui se multiplieront sans peur et élèveront leurs enfants pour en faire d’inébranlables membres de l’Église fondée par notre Sauveur en personne.

Ces chrétiens devront aussi se montrer virils. Et pour un homme la meilleure façon d’y parvenir est d’avoir de nombreux amis masculins avec lesquels partager sa foi catholique. Chaque année, un journal américain bien connu publie un sondage portant sur le nombre d’amis de chacun. Et, comme on le constate avec tristesse, ce nombre pour les hommes se ramène, année après année, à deux : sa conjointe et un seul ami !

Un résultat déjà totalement affligeant en soi. Mais qui traduit de plus un manque de véritable virilité et, malheureusement, l’impact de notre culture protestante individualiste aux États-Unis (culture qui, elle aussi, se désintègre).

Deux de mes écrivains favoris, tous les deux anciens d’Oxford, un protestant (C.S. Lewis) et un catholique (le bienheureux John Henry Newman) ont disserté avec éloquence sur l’importance des amitiés entre hommes. Lewis déclare : « L’amitié est le plus grand des biens terrestres. C’est certainement pour moi le principal bonheur de la vie. Si j’avais à donner un conseil à un jeune homme sur le choix de son logement, je crois que je dirais « sacrifiez presque tout le reste pour habiter près de vos amis. » »

Dans une lettre il écrit : « Existe-t-il sur terre un plus grand plaisir qu’un cercle d’amis chrétiens autour d’un bon feu ? » Dans son ouvrage Les quatre amours il consacre un chapitre édifiant à l’amitié : « Les anciens considéraient l’amitié comme la forme d’amour la plus heureuse et la plus authentiquement humaine. Le couronnement de la vie et l’école de la vertu. Par contre, le monde moderne en fait fi… Mais dans l’amitié – dans le monde lumineux, tranquille et rationnel des relations librement choisies – vous vous écartiez de tout cela. Seule l’amitié, parmi toutes les formes d’amour, semblait vous élever au niveau des dieux ou des anges ».

Dans le même chapitre, Lewis écrit : « L’amitié survient entre de simples camarades quand deux hommes ou davantage découvrent qu’ils ont en commun une idée, un centre d’intérêt ou même un goût que les autres ne partagent pas et que chacun considérait jusqu’à ce moment-là comme son unique trésor (ou fardeau). L’expression typique de la naissance d’une amitié est de ce genre : « Quoi ? Vous aussi ? Je croyais être le seul ». Emerson a écrit que « M’aimez-vous ? » signifie « Partageons-nous la même vérité ? »
Le bienheureux cardinal John Henry Newman déclare dans son homélie sur « L’amour des parents et des amis » : « L’amour de nos amis est le seul exercice qui nous prépare à l’amour de tous les hommes. L’amour de Dieu n’est pas assimilable à l’amour de nos parents, bien qu’il s’en rapproche ; quant à l’amour de l’humanité en général, ce devrait être pour l’essentiel la même disposition que l’amour de nos amis, mais portant sur différents objets. Dans nos devoirs religieux la grande difficulté en est l’étendue. Ce qui effraie les hommes et les plonge dans la perplexité – naturellement, surtout ceux qui ont négligé la religion pendant un certain temps, et pour lesquels les obligations qu’elle comporte se révèlent toutes d’un seul coup. Nous devons commencer par aimer les amis qui nous entourent et élargir graduellement le cercle de nos affections jusqu’à ce qu’il englobe tous les chrétiens et ensuite tous les hommes ».

En résumé, pour que le christianisme survive, il faut que les maris catholiques n’aient qu’une seule femme et désirent beaucoup d’enfants. Et également, comme l’a dit ce très viril écrivain Hilaire Belloc : «Il n’y a rien qui vaille tous nos efforts que le rire et l’amour de nos amis ». 

Photographie La bataille de Lépante par Juan Luna, 1887 [Palacio del Senado, Madrid]

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Le père C. J. McCloskey est chargé de recherche au Faith and Reason Institute de Washington (D.C.)

source :http://www.thecatholicthing.org/2015/06/07/friendship-and-evangelization/