A qui Adam Gopnik s’adresse-t-il ? - France Catholique

A qui Adam Gopnik s’adresse-t-il ?

A qui Adam Gopnik s’adresse-t-il ?

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Il y a plus d’une dizaine d’années, lorsque j’étais en poste dans une petite école de droit en Californie du sud, j’ai eu un conflit avec son doyen. Il avait suggéré au vice-recteur de l’université que j’étais d’accord avec lui sur une question de gestion de l’école, alors qu’en réalité il n’en était rien. Je suis passé derrière lui pour informer directement le vice-recteur de mon vrai point de vue. Une semaine plus tard, à la réunion du conseil consultatif de l’université, le doyen me reprocha ce que j’avais fait en déclarant : « C’est fini entre nous ». Je répondis du tac au tac,  « Je ne savais pas qu’on sortait ensemble ».

Quoique ma réponse provoquât un rire chaleureux d’un bon nombre des membres du conseil, mon intention était d’aller plus loin : ce que vous avez dit est pire que faux, ça ne fait même pas partie de notre conversation. C’est exactement le sentiment qui me submergea lorsque je lus le dernier article d’Adam Gopnik dans le New Yorker , « Arguing Abortion» dans lequel il présente plusieurs arguments contre la position ProVie en résumant le nouveau livre de son amie Katha Pollitt « Pro Reclaiming Abortion Rights ». Quand j’eus fini de lire l’article de Gopnik, je me suis demandé «à qui s’adresse-t-il ?».

D’après ce que je sais de Gopnik, c’est un essayiste accompli et talentueux, auteur du merveilleux livre « Paris in the Moon ». Mais comme tant de littérateurs du même type qui vivent dans un monde de catholiques aux convictions religieuses libérales dans lequel pratiquement aucun des prêtres de ce monde n’a étudié ses hérésies ou ne s’est attaqué à ses apostats les plus graves, l’analyse que Gopnik fait de la sainteté de l’éthique de la vie – c’est-à-dire que la communauté humaine se compose à la fois du post et du pré-natal – cette analyse n’est même pas digne d’être reconnue comme fausse.

Les contraintes de l’espace autorisé m’empêchent de discuter chaque « faux pas » qui se trouve dans cet essai. Aussi vais-je me concentrer sur cet unique passage :

« L’une des plus grandes avancées morales de l’histoire humaine qui est l’émancipation complète de la femme,– ne devrait pas être reléguée derrière une intuition métaphysique qui ne repose sur aucun support scientifique ni même sur une explication cohérente: à savoir qu’un œuf fécondé a la même valeur morale qu’une personne entière. »

On est dans une confusion totale. Premièrement, c’est employer un terme inapproprié que d’appeler «œuf fécondé» ce qui est conçu dans le sein maternel, car l’œuf ou ovule ne subit aucun changement à la conception parce qu’il n’est même pas présent à la conception, tout comme aucun homme n’est présent dans la pièce quand la pièce ne contient qu’un mort. La conception, en fait, est la preuve de la disparition de l’ovule, comme le montre clairement la chronologie de la reproduction.

Au temps T1 il existe une cellule germinale,(l’ovule), au temps T2 elle est pénétrée par une autre cellule germinale (le sperme), et, en T3 ou T4 que ce soit à la syngamy ou encore à la fusion oeuf-sperme, un nouvel organisme devient un être vivant issu du mélange des parties organiques des deux cellules germinales. Ce nouvel organisme n’est pas une cellule germinale. C’est un organisme spécifique intrinsèquement ordonné pour se développer et parvenir à la maturité de ce qu’il est, un être humain, un animal rationnel. Il peut, bien sûr, se diviser pendant les deux premières semaines de son existence (comme dans le cas de jumeaux monozygotes) ou bien mourir n’importe quand pendant la gestation ou même après. Mais cela ne change pas ce qu’il est par nature, un être humain unique au tout début de son existence.

Il se peut que Gopnik pense que cette analyse est fausse. Mais elle est claire et cohérente, et elle concorde avec ce que nous dit la biologie, comme le disent les principaux manuels (dont certains sont écrits par des défenseurs des droits à l’avortement). Donc que Gopnik défende cette position, est sans fondement scientifique, c’est une simple fanfaronnade rhétorique.

Deuxièmement, comme Gopnik le suggère, à juste titre, la question centrale
est de savoir si ce nouvel être humain a un statut moral. Comme le savent ceux qui sont familiers de cette «littérature», c’est une question à laquelle répondent différents philosophes, dont certains défendent la sainteté de la vie humaine dès sa conception. Mais ce ne sont pas de simples intuitions, ni des dogmes religieux que défendent ces intellectuels, comme le prétend Gopnik, mais des arguments véritables et souvent tout à fait sophistiqués. Parmi les nombreux auteurs qui se trouvent dans ce cas, il y a Christopher Kaczor, Patrick Lee, Christopher Tollefsen, Jason Eberl, Alexander Pruss, Russell DiSilvestro, Hadley Arkes, David Oderberg et votre serviteur, avec mes meilleurs sentiments. (Politt, à son crédit, fait brièvement mention du livre que Tollefsen a co-écrit avec Robert P.George, quoiqu’ elle fasse complètement abstraction des arguments concernant la question du statut moral.)

En temps ordinaires, ce serait un mystère : pourquoi – Gopnik et Politt, des écrivains de tant de talents et si impressionnants par leur intelligence,- ne voudraient- ils pas appliquer ces dons aux aspects les plus importants du cas auquel ils s’opposent-, si ce n’est pour la raison que nous connaissons tous, que cette négligence en littérature ne leur rapportera rien professionnellement..

Troisièmement, si l’avortement est essentiel à la «pleine émancipation de la femme», comme le proclame Gopnik, donc cela va de soi, il est injuste pour tout être humain de devoir s’occuper d’un enfant qu’il ou elle ne voulait pas mettre au monde. Dans ce cas, l’homme qui prend soin d’utiliser les moyens contraceptifs convenables lorsqu’il a une relation sexuelle, puisqu’il ne veut pas engendrer un héritier, ne devrait pas être contraint par la loi de soutenir financièrement un enfant mis au monde par sa partenaire. Après tout, si les désirs étaient inversés – s’il avait voulu l’enfant et que la femme n’en voulait pas, selon le point de vue de Gopnik sur l’émancipation, rien ne l’empêcherait d’avorter. Il semble, donc, que l’essai de Gopnik soit autant une apologie de l’avortement qu’une incitation à l’irresponsabilité.

Vendredi 5 décembre 2014

Source : http://www.thecatholicthing.org/2014/12/05/adam-gopnik-arguing/