3002-Outreau : L'abbé Dominique Wiel - France Catholique

3002-Outreau : L’abbé Dominique Wiel

3002-Outreau : L’abbé Dominique Wiel

Totalement blanchi après avoir été condamné en première instance à 7 ans de prison et effectué 30 mois d’incarcération, l’abbé Dominique Wiel, est devenu une figure emblématique à son cœur défendant.
Copier le lien

Le prêtre-ouvrier avait fait le choix de la pauvreté et de la discrétion en préférant vivre dans un immeuble HLM plutôt que dans une maison-de-maître d’Outreau qu’il jugeait trop bourgeoise. Il a fait part de son intention de revivre comme avant. Toute la presse se montre frappée par la sobriété grave et paisible affichée par l’ecclésiastique. Lui qui fut le plus lourdement condamné de ceux des accusés qui clamaient leur innocence dans l’affaire d’Outreau n’est pourtant pas resté inactif pendant sa détention multipliant grèves de la faim et demandes de mise en liberté (112 au total !).
Mais, dans l’entretien remarquable qu’il a donné à Isabelle Francq pour La Vie, on découvre combien sa spiritualité, que certains ont pu ranger aux oubliettes de l’histoire de l’Eglise de France, l’avait aidé à traverser cette épreuve. « En prison j’ai enrichi mon attachement au Christ. Je lisais la Bible et puis je me suis efforcé de rester ouvert sur les autres. » témoigne l’ancien militant à la CFDT. En se retrouvant derrière les barreaux il s’était d’abord dit « Ce n’était pas ta vocation mais te voilà moine », mais il explique aujourd’hui combien s’y est intensifiée encore sa sensibilité de combattant pour la justice. S’exprimant comme un homme ordinaire, il ne s’affirme pas indemne de ce qu’il a enduré, même si la référence à la Passion ou à la figure de Job dont il se sentait « le plus proche » ont pu donner un sens à l’absurde.

A l’ouverture de son procès en Appel, il a expliqué à la Cour qu’après avoir pensé « comme tout citoyen » qu’ »on pouvait faire confiance à la justice », il retenait de son expérience que « la justice est un combat quotidien qui dépend des circonstances et de la volonté de chacun ». Et il attend désormais que les responsables de sa mise en cause fassent la démarche de lui demander pardon.

Pour les chrétiens, tétanisés par les affaires de pédophilie touchant des ecclésiastiques, et qui découvrent en leur sein pareil innocent, le choc a quelque chose de rude. Dans la lignée de la décision des évêques de France s’engageant, lors de leur assemblée plénière de novembre 2000, à ne pas intervenir dans les affaires de pédophilie en cours, l’évêque d’Arras a dû éviter toute ingérence dans les procès d’Outreau. Mais il n’est pas resté silencieux. Dans une lettre datée du 4 juillet 2004, à la suite du premier verdict, il écrivait : « Dominique a été condamné : les uns sont révoltés et stupéfaits, les autres sont sceptiques et critiques. Tous veulent comprendre. Il fait appel.

Dans cette période qui le sépare d’un futur procès, il nous appartient de lui apporter un soutien fraternel et de lui offrir les moyens d’une juste défense. »
Pensant aux 25.000 prêtres de France dont 40 ont été inculpés de pédophilie (ce qui est évidemment trop mais également très minoritaire), Mgr Jean-Paul Jaeger ajoutait : « C’est aussi le moment de rendre hommage et de porter une attention accrue au labeur des prêtres, diacres, religieux, religieuses et fidèles laïcs qui ont fait choix et ont reçu pour mission, au nom de leur foi, de s’implanter en ces lieux de nos cités où convergent souvent les peines et les détresses de tant d’oubliés de notre société ». Et de promettre : « L’Eglise ne renoncera pas à cette présence et à cette forme d’annonce de l’évangile ». On ne peut en effet manquer d’admirer le choix – ou le risque – pris par le père Dominique Wiel de se faire petit parmi les petits.

Issu d’une famille à la fois aisée et simple de quatorze enfants dont trois sont devenus prêtres, il n’a pas manqué du soutien des siens pendant ces mois de cauchemar où, désigné par ses codétenus comme un « pointeur » (violeur), il a été jusqu’à subir leur « caillassage » (lapidation) sans jamais entrer dans l’engrenage de la haine, ni s’enfermer dans la désespérance.
Jusqu’au procès d’Outreau, on disait « La parole des enfants est sacrée ». On entendait aussi les humoristes ironiser en affirmant : « On ne dit plus un pédophile mais : ‘bonjour mon Père’  » ! La gravité de certains faits demeure.

La violence insupportable que des enfants ont pu subir de la part d’adultes, et parmi eux de quelques ecclésiastiques, reste un scandale qui doit mobiliser toute l’Eglise. Mais cette dernière doit à l’un des siens, qui avait choisi de se fondre dans les masses populaires, et qu’un drame a placé sous les feux des projecteurs, de voir se rétablir un certain équilibre.
« Etre chrétien, affirme-t-il, c’est ressentir de la tendresse pour l’humanité. » Tendresse : un mot qu’on aimerait tant pouvoir réhabiliter !

Tugdual DERVILLE